Dés-œuvrement et revitalisation
2019 - en cours.Projet de recherche-création doctoral.
︎ Abstract
Suite à un séjour (échange universitaire) dans la ville de Kyoto (2016-2017), je m’intéresse à la problématique de la transition post-industrielle au Japon notamment au délaissement de certains territoires (ruraux, périphériques), au vieillissement de la population et aux risques liés aux catastrophes naturelles et/ou humaines. A contrario, une partie de la population aspire à un changement de mode de vie, et à une réévaluation des valeurs modernes. Ce mouvement, qui partage des traits communs avec celui de la décroissance en France, se matérialise dans des tentatives de revitalisation (autant urbaine que psycho-somatique).
Les pratiques artistiques japonaises de revitalisation depuis les années 1990 : médier et remédier aux catastrophes. Pour une poïétique du dés-œuvrement.
Au cours des trois dernières décennies, une forme particulière d’art a émergé au Japon, brouillant les frontières entre la pratique artistique et l’activisme. Nommé “projet artistique” (アート・プロジェクト ato purojekuto, art project) ou art socialement engagé (Socially Engaged Art - SEA), celui-ci est le fruit d’un travail mutuel entre artistes et non-artistes oeuvrant collaborativement dans une optique commune, à travers des modes de participation et de vie collective spécifiques.
Le contexte d’apparition de ces pratiques est particulièrement central dans ma recherche, à savoir la crise économique que connut le Japon à partir des années 1990, qui marqua le passage du pays dans l’ère post-croissance contemporaine (« post-growth age »). Les ato purojekuto semblent essentiels à étudier aujourd’hui de par leur prise directe avec les problématiques que la post-croissance implique (dépopulation, déclassement social, actualisation des modes de vie), ainsi que par l’optique de revitalisation qui les caractérise. Notre recherche s’attachera également à mesurer l’influence qu’ont eu les deux dernières catastrophes que subit le Japon (le séisme de 1995 à Kobe et la triple catastrophe du 11 mars 2011 dans le Tohoku) sur les pratiques artistiques, entraînant leur ré-évaluation et, en conséquence, l’intensification des ato purojekuto.
L'hypothèse qui sous-tend cette recherche est celle d'un tournant des pratiques artistiques japonaises entre 1990 et 2011, d’une inflexion profonde - enchâssée avec le contexte catastrophique - de l’ontologie de ces pratiques artistiques. Cette étude s’attachera ainsi, à l’analyse de ces nouvelles caractéristiques, à travers une poïétique du concept de dés-œuvrement, soit d’un déplacement du statut de l’objet d’art en tant qu’une neutralisation (temporaire ou définitive) de sa qualité d’œuvre afin d’utiliser la pratique artistique comme potentialité de résilience. Ainsi, une partie de la recherche s’attachera à délimiter la spécificité de l’apport des ato purojekuto à la conception esthétique de l’art contemporain, venant modifier sa structure même: le concept d’œuvre, la manière de le concevoir, d’y participer et son rôle social. Soit une forme de dés-œuvrement socialement engagé, orienté vers la revitalisation.
Deux terrains d’études seront privilégiés :
- La ville d’Onomichi afin de documenter (Onomichi monogatari) et de participer au mouvement de revitalisation qui y est particulièrement actif (Onomichi Akiya Saisei Project, sous réserve : Momoshima Art Base, Labyrinth House). L’idée est de s’exposer à ce milieu afin de se sensibiliser et de mobiliser ma volonté d’engagement artistique comme écho des dynamiques sociales, économiques et écologiques qui s’y déploient.
- Le centre culturel Lizières situé en Picardie (Épaux-Bézu), foyer d’émulsions artistiques et d’actions socialement engagées. L’objectif est de poursuivre ma pratique d’événements performatifs (Dés-oeuvres de jeunesse) dans un environnement propice à la création collective et collaborative (Une niche en commun).